Est-ce bien toi ?
Est-ce que tu es vraiment cet être dont j'espère l'existence malgré aucune preuve et que je cherche depuis petite ? Es-tu vraiment celui à qui j'ai adressé en vain des « où es-tu ? » déchirants dans l'espoir que la lune me donnerait une réponse ? Celui qui peuplait mes prières quand j'étais croyante, qui me rendait impatiente de dormir enfin car dans mes rêves tu m'accompagnais, celui que je traquais partout, sans pourtant connaître ni le visage, ni le nom, ni même le genre ? Celui que je croyais parfois déceler dans un discours, une attitude, avant de me rendre compte de l'incompatibilité du reste avec le modèle que tu étais ?

Et en même temps, si tu ne l'es pas, alors comment expliquer la sensation de bonheur inexplicable qui m'a saisi pour ensuite ne me lâcher qu'avec ton départ, comment expliquer que je n'ai jamais cherché à te mentir ? Comment expliquer ma gêne, moi qui suis toujours en train de créer mon propre show, et qui me trouvait cependant intimidée, comme confrontée à quelque chose que l'on a trop espéré pour ne pas le craindre un peu ? Comment expliquer, surtout, que je t'ai laissé mes mains, sans les retirer ni même frémir ? Que je n'ai pas senti ce frisson qui parcourt ma colonne à chaque fois qu'il y a contact, me raidissant indéniablement et empêchant toute effusion ou tout mouvement d'affection, plus proches de la brûlure qu'autre chose ? Que je n'ai pas serré les dents alors que tu parcourais du doigt les lignes d'une vie qui tu penses sera la mienne ?

Et pourtant nous sommes si différents. Toi sans aucun diplôme à 20 ans, moi la petite précoce en prépa. Toi l'apatride qui a parcouru la moitié du monde, moi la franco-française qui n'a jamais voyagé que dans un cadre ultra-sécurisé. Moi celle qui croit plus par espoir que par conviction, en face de toi dont le bouddhisme a codé tout les comportements. Ta passion intarissable pour l'ésotérisme face à mon esprit on ne peut plus cartésien.

Ou alors ça n'a aucun rapport.
Puisque malgré ces différences, j'ai l'impression que tes paroles trouvent un écho en moi, parfois d'une manière que je n'aurai pas imaginé. Puisque je ne peut ôter de ma tête l'idée qu'on se ressemble, au delà de...
Puisque je suis certaine que c'est toi, mon alter-ego.