... et c'est bien dommage.

Si vous avez lu La physique des catastrophes, de Marisha Pessl, ce que je vous conseille plus qu'ardemment, vous saurez de qui je parle. Sinon contentez vous d'admettre que la vie est toujours plus trépidante quand on est un personnage de roman, à fiortiori une héroïne.

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La littérature est une exagération constante, une dramatisation, et ceux qui s'en nourissent, comme moi, courent le grand danger d'essayer de suivre un rythme impossible. D'essayer de vivre tous les jours des scènes si belles, innatendues ou intéressantes, qu'elles ne pourraient que figurer dans un livre, tant elles seraient la conséquence d'une exaltation des sentiments qui les rendraient magique, ou plutôt littéraires. Il est absolument fou de constater à quel point je cherche à faire de ma vie une histoire palpitante, comme si j'avais en permanence dans ma tête ma biographie. Pour le père de Bleue, c'est le seul moyen de vivre dans la grandeur. Mais la grandeur, comme toute chose, se paye. J'accentue la souffrance car à mes yeux la véritable beauté, celle qui est capable d'émouvoir tout le monde sans distinction, se trouve dans le tragique. Oui, je tente de sublimer le quotidien en ajoutant de la poésie à ma vie, je brode autour de tout ce peut m'arriver. Je ne mens pas, j'embellis la vérité afin de créer la mienne, digne de fantaisies rocambolesque. Ma tête est emplie de symboles et certains de mes actes se chargent alors pour moi d'une importance toute particulière, que les autres, à mon grand regret, ne ressentent pas, mais comment le pourraient-il ? alors que je voudrais qu'ils devinent tout, sans que je n'ai rien à leur expliquer, pour ne pas salir mes intentions? Je suis bien trop exigeante, mais pourquoi donc dans les livres les signes cachés et les sentiments dissimulés sont clairs comme l'aube ? Mes nuits d'ivresse me font héroïne, chaque rencontre devient péripétie et lorsque je contemple les gens autour de moi, cette scène se raconte en moi, je la vois et la dissèque afin de pouvoir au mieux la décrire, l'écrire. Et ce livre que je me créé dans ma tête, ce livre que j'oublie au fur et à mesure me passionne au plus haut point, sans qu'il n'ait pourtant rien d'extraodinaire, sinon l'espoir qu'au prochain paragraphe mental, il sera bouleversé... Ainsi j'attends sans arrêt l'instant, la page suivante de mon aventure intime, et je la veux encore plus prenante que la précédente, risquant ainsi chaque jour d'être déçue, chutant de mon piédestal fictif vertigineux pour retomber brutalement dans une réalité dont, si elle n'est dénuée de saveur, je ne peux que dénigrer le goût, tant ma bouche a été corrompue par les délices empoissonés d'aventures fictives...